Franck Michel

Éditions GOPE, 234 pages, 14.5x20.5 cm, 58 illustrations noir et blanc + cahier photos couleur 16 pages, 1975 , ISBN 979-10-91328-30-2

vendredi 25 mars 2016

Coutume, religion et politique chez les Toraja à Sulawesi-Sud (extrait)

Chroniques d'Indonésie

En Indonésie orientale, les Toraja Sa’dan résident essentiellement dans le département (kabupaten) qui porte leur nom (Tana Toraja, également contracté en Tator, ce qui signifie « Terre des Toraja ») et qui se situe dans la province de Sulawesi-Sud. La colonisation hollandaise s’est imposée tardivement (1905-1907) dans cette région montagneuse, isolée et difficile d’accès. Mais l’évangélisation connut un succès, certes lent, mais durable, en partie due à la présence de puissants voisins musulmans. Si les conflits interconfessionnels furent nombreux, le syncrétisme religieux constitue aujourd’hui une réalité quotidienne, rassemblant notamment les chrétiens (protestants, catholiques, pentecôtistes…), les musulmans et les derniers pratiquants des cultes autochtones.

Le rapide essor du tourisme a ébranlé les valeurs et les habitudes des villageois. Il a aussi permis aux habitants de gérer alternativement leur futur, leurs politique et économie locales, ainsi que d’affirmer leur identité culturelle. Les croyances religieuses autochtones exigent un investissement considérable et relèvent d’un mode de vie et de pensée en lien étroit avec la « voie des ancêtres ».

La majorité des Toraja sont aujourd’hui chrétiens mais, en dépit des conversions et des changements socioculturels irrémédiables – notamment ceux conférés par l’ingérence de l’État indonésien, de la mondialisation et du tourisme international dans les affaires locales – qu’ils connaissent depuis quelques décennies, les faits culturels et religieux continuent d’occuper un rôle essentiel comme le montrent par exemple les cérémonies funéraires traditionnelles. Le monde des Toraja se divise en deux sphères distinctes ainsi que les ont fixées conjointement la coutume (ada’ ou adat) et la religion (aluk ou agama) :

1
L’Est
Le matin
Les rites propitiatoires
(Rambu Tuka’)

2
L’Ouest
Le soir
Les rites funéraires
(Rambu Solo’)

Les fêtes toraja attirent et fascinent les touristes autant que les autoch-tones. La mise en tourisme de la société n’occulte pas encore la ritualisation du spectacle de la mort […]



Les îles Banda, un archipel aux épices rudement convoitées (extrait)

Chroniques d'Indonésie

On connaît la route de la Soie ou celle des Indes, mais on a quelque peu oublié la route des Épices. Certes, elle est historiquement pavée d’embûches et surtout de sang et de larmes. À nos yeux, elle paraît également bien lointaine, dans le temps (XVIIe siècle) comme dans l’espace (13 000 km).

Le chemin très prisé pour parvenir à ces épices exotiques (notamment clous de girofle et noix de muscade) méritait peut-être une bataille, mais pas autant de guerres, passées et présentes, car l’histoire si douloureuse de la double conquête, à la fois économique et coloniale, de ce modeste archipel est tout sauf un long fleuve tranquille. Alors qu’en Amérique du Sud, à la même époque, le métal jaune et ses promesses justifiaient aux yeux de beaucoup d’Européens le mythe de l’Eldorado, en Insulinde l’or portait le nom d’épices exotiques, rares, précieuses, valant par conséquent leur pesant d’or sur le marché de cette première mondialisation en pleine gestation depuis l’avènement – et aussi le massacre organisé – desdites « Grandes découvertes ». Grandes, car très lucratives surtout. Les Moluques et leurs épices n’échappent en rien à cette triste réalité et dure loi du marché.

Les îles indonésiennes sont un peu à l’image des poupées russes : ainsi, si les Moluques représentent un modeste archipel oriental au sein de l’immense archipel Indonésien, le minuscule archipel de Banda n’est quant à lui qu’une petite composante de l’archipel des Moluques. En fait, les îles Banda (au nombre de 10, mais seules 7 îles sont habitées) occupent le sud du district appelé « Moluques du Centre » qui se trouve dans la province officiellement dénommée « Moluques » (formant avec la province de « Moluques du Nord », l’ensemble de l’archipel des Moluques). La richesse de cet archipel tient en un mot : la muscade.


mardi 8 mars 2016

Les nomades de la mer (extrait)

Chroniques d'Indonésie

En Insulinde, les nomades de la mer écument les derniers recoins maritimes de l’archipel Indonésien, mais aussi Malais et Philippin. Ils portent divers noms, mais Orang Laut, ou « gens de la mer » en indonésien et en malais, est l’appellation générique (comme pour le terme de sea gypsies en anglais). La plupart du temps, on les nomme Badjo ou encore Bajau, en fonction surtout des lieux et des territoires maritimes qu’ils fréquentent.
Si leur mode de vie reste en partie nomade, il est résolument en sursis et menacé de disparition, et cela est déjà le cas en maints endroits de l’Archipel, au nombre de quelques centaines ou de quelques milliers (les données chiffrées peuvent varier considérablement en fonction des critères adoptés). Cette population authentiquement nomade s’est réduite drastiquement au fil du temps. Leur survie passe en général par la sédentarisation, de gré comme de force, sous l’impulsion des autorités en place.
Les diverses composantes de gens de la mer naviguent, habitent chichement ou simplement survivent sur le littoral oriental de la grande île de Sumatra, dans les îles voisines et sur les côtes des îles de Bangka et de Belitung. Ils sont également présents aux abords de Bornéo, et surtout autour de Sulawesi – au Nord en particulier – et dans l’archipel des Moluques. Les liens avec les Bajau des Philippines semblent assez évidents tandis que ceux entretenus notamment avec les Moken de Thaïlande restent nimbés de mystère. Les traces historiques manquent cruellement, mais on sait que jadis, les Badjo parcouraient les mers, reliant certainement l’océan Indien au Pacifique Sud.